Le basketball sur fauteuil, un vecteur d’insertion sociale des handicapés en RDC

Article : Le basketball sur fauteuil, un vecteur d’insertion sociale des handicapés en RDC
Crédit: FECOBAF (avec son accord)
16 juin 2024

Le basketball sur fauteuil, un vecteur d’insertion sociale des handicapés en RDC

En République démocratique du Congo (RDC), le basketball sur fauteuil, bien que longtemps méconnu, connaît actuellement une progression significative. Il joue un rôle essentiel en tant que vecteur d’insertion sociale pour les personnes en situation de handicap, souvent marginalisées en raison de leurs conditions. Il est crucial de soutenir et de pérenniser cette discipline pour favoriser l’inclusion et l’épanouissement de tous.

Un peu d’histoire. C’est dans les centres de rééducation et adaptation des soldats de la seconde guerre mondiale (1939-1945) que le basketball sur fauteuil (ou handibasket) a vu le jour. Beaucoup de ces anciens combattants, pour améliorer leur mobilité, s’adonnaient au sport, le basketball en particulier, car considéré comme l’un des sports d’équipe le plus facile à adopter. Les règles du jeu du basket sur fauteuil sont les mêmes qu’au basketball pour les valides : la composition de l’équipe (sept joueurs) et l’ensemble des conditions sont pareilles, exceptées quelques légères réadaptations comme la reprise de dribbles, qui est autorisée, et la règle du marcher, qui est forcément différente.

Longtemps dans l’ombre, le handibasket congolais connaît son apogée

Cette discipline est pratiquée depuis plusieurs années en RDC, mais restait méconnue auprès de la majorité des Congolais. Cette situation est à conjuguer au passé dorénavant, car depuis quelques années, le basketball sur fauteuil a réalisé une marge de progression significative dans la pratique ainsi que dans la vulgarisation au sein de l’opinion publique congolaise, et surtout auprès des handicapés.

Et pour y parvenir, tout devrait passer par l’organisation de compétitions. C’est de là qu’est née la coupe du Congo de basketball sur fauteuil dans les versions masculine et féminine, sous l’initiative du Comité national paralympique de la République démocratique du Congo (CNP COD), l’organe faîtière des sportifs handicapés. Par manque des vrais clubs, les équipes participantes étaient issues des quelques ligues provinciales existentielles du pays.

À ce jour, trois éditions ont été organisées par le CNPC et la fédération congolaise de basketball sur fauteuil (FECOBAF), avec le soutien du Comité international de la Croix-Rouge en RDC (CICR). Deux éditions (2016 et 2021) ont été organisé à Goma, capitale de la province du Nord-Kivu et celle de 2019 eu lieu à Kinshasa. Au total 5 provinces ont participé à ces tournois dont Kinshasa, Nord-Kivu, Sud-Kivu, Tshopo et Haut-Katanga. Sans concurrent, la province de Kinshasa détient les six trophées de championne dans les deux versions.

La reconsidération et le respect s’imposent pour les pratiquants

Un athlète de la sélection masculine de la RDC sur le parquet en Afrique du Sud. © FECOBAF (avec son accord)

Pour le comité national paralympique, l’objectif poursuivi avec cette discipline est la promotion et l’insertion sociale des personnes aux déficits physiques. Ces dernières doivent surmonter les clichés sociétaux et changer d’approche d’elles-mêmes en considérant leur handicap pas comme une fatalité, mais plutôt un moyen pour exploiter leur plein potentiel, notamment à travers le sport. C’est de cette façon qu’elles réussiront à imposer le respect et la considération de la société congolaise qui, majoritairement, les relèguent au rang des mendiants qui jonchent les grandes artères et les coins chauds de Kinshasa, les mains tendues pour solliciter de l’aide.

Le cas de Benjamin Mukombo Zulu, athlète de l’équipe nationale senior de la RDC qui fût capitaine des U23 avant d’intégrer les seniors en 2023, en est l’exemple. Ce passionné du sport se confiant à moi est aujourd’hui fier de ce qu’il devient, car il est reconsidéré, aimé et surtout respecté dans la société ; particulièrement dans sa famille puisque grâce à son travail, il survient à leurs besoins.

Le boost de la fédération pour la conquête continentale

Les athlètes masculins et féminins de la RDC du basket sur fauteuil en stage en Afrique du Sud. © FECOBAF (avec son accord)

Pour la pérennisation des bases posées par le comité national paralympique du Congo, c’est la fédération congolaise de basketball sur fauteuil (FECOBAF) dirigé par Gege Kizubanata, ancien basketteur congolais, qui prend le relais. Grâce à cet homme et son dynamisme, la jeune fédération fut reconnue par le ministère national des Sports en 2021, et, fait, depuis lors, partie des disciplines prises en charge par le gouvernement congolais.

L’objectif reste le même : promouvoir et valoriser les personnes vivant avec handicap à travers le sport à la balle au panier, chose que cette fédération avec la vision de son président poursuit sans faute.

Le basketball sur fauteuil congolais a pris des proportions considérables, non seulement car cette discipline a renforcé son ancrage sur le plan national avec des nouveaux pratiquants et un grand public au rendez-vous, mais aussi car elle essaie désormais de se lancer à la conquête sur le continent. Un vrai défi.

Avec les maigres moyens financiers, la fédération a réussi à constituer des sélections nationales très solides dans les deux versions, issues des différentes ligues provinciales. Ces dernières représentent pour la première fois le pays dans des compétitions sur l’échelle continentale.

Gégé Kizubanata, président de la Fédération congolaise de basketball sur fauteuil roulant. © FECOBAF (avec son accord)

Longtemps oubliés, ces athlètes ont profité de leurs sorties sur le continent pour faire parler d’eux en réalisant des performances incroyables. Un message pour faire comprendre à ceux qui les sous-estiment, notamment les autorités étatiques, qu’ils ont aussi les épaules solides pour porter haut les couleurs du pays.

Le parcours sur le continent, aux prouesses et surprises

La conquête africaine a commencé en 2022 avec la participation de la sélection nationale U23 messieurs au tournoi Africain qualificatif au mondial Dubaï 2022, organisé à Addis-Abeba (Éthiopie) en janvier. Impressionnants, les Léopards, équipe nationale de RDC, ont terminé à la troisième marche du podium en battant l’Éthiopie, pays hôte, en match de classement. première surprise.

Les Léopards basketball sur fauteuil U23 présentant leur trophée de troisième place à la CAN Ethiopie 2022 au président de la République Félix Tshisekedi. © FECOBAF (avec son accord)

Après ce tournoi, les fauves congolais de la balle au panier sont allés en Afrique du Sud en avril pour y disputer le championnat d’Afrique U23, un tournoi à trois avec l’Afrique du Sud et le Kenya. Après avoir battu le Kenya en deux manches, la sélection congolaise a chuté en finale face au pays hôte. Deuxième surprise.

Et pour clôturer l’année 2022, la RDC a accueilli, en décembre, le premier tournoi africain mixte, dont ont participé le Niger et le Soudan du Sud. Ce tournoi, organisé par le Comité national paralympique congolais en appui du comité international de la Croix-Rouge (CICR), a été remporté par la sélection congolaise après sa victoire en finale face au Soudan du Sud. Troisième surprise.

Cette dynamique s’est poursuivie en 2023. En avril, la RDC a été choisi par l’IWBF (International Wheelchair Basketball Fédération) pour accueillir les éliminatoires de la zone centrale des Jeux paralympiques africains du Ghana en 2023. Historique.

Les athlètes congolaises Aline Nzigire et Gloria Malombo avec leurs trophées de meilleures athlètes africains. © FECOBAF (avec son accord)

Les basketteurs et basketteuses congolais s’étaient qualifiés en battant la Centrafrique en aller et retour dans les deux versions, lors de ce mini-tournoi qui aurait dû se jouer à trois avec le Cameroun qui, malheureusement, n’a pas fait le déplacement de Kinshasa.

En prélude de leur participation aux Jeux paralympiques africains au Ghana, les sélections nationales congolaises ont effectué deux stages de préparation entre juillet et août 2023, en vue d’affûter leurs armes pour une bonne participation. Le premier de 10 jours eût lieu à Bujumbura, au Burundi, et le second, le plus crucial, fût effectué à Johannesburg, en Afrique du Sud. C’est à partir du pays de Nelson Mandela que les athlètes congolais rallient Accra, la capitale ghanéenne pour participer à ces jeux qualificatifs aux Jeux paralympiques Paris 2024.

À Accra, les fauves congolais de la balle au panier se sont frottés aux grandes écuries du continent. À l’issue du tournoi, le bilan général était satisfaisant. Les Léopards dames du basket sur fauteuil ont décroché la médaille de bronze après avoir battu les Kényanes en petite finale. Encore une surprise.

De leur côté, les messieurs pointaient à la 6e position après avoir perdu face à l’Afrique du Sud en match de classement. Ces prouesses ont permis à la fédération d’être classée deuxième meilleure sur le continent. La RDC occupait la deuxième place en Afrique après l’Afrique du Sud chez les U23 et la troisième place chez les seniors après l’Égypte et l’Afrique du Sud. Un repositionnement au niveau africain dû à ces prouesses inimaginables quelques années plus tôt.

La case des difficultés, pas complètement décochée

En seulement quelques années, le basketball sur fauteuil congolais a élevé son niveau, preuve du potentiel et des ressources incroyables que possèdent ces athlètes à mobilité réduite. Mais cette progression fulgurante est mis en mal par un manque criant d’accompagnement et d’encadrement pour la bonne pratique de cette discipline par les à qui de droit.

Il faut reconnaître les immenses efforts consentis par la fédération avec des maigres moyens financiers venant de la subvention du gouvernement, dont les résultats sont plus parlants. Malheureusement, cette situation freine cet organe, malgré le dynamisme de son président, dans son élan de faire la promotion de cette discipline et de ses pratiquants. La FECOBAF n’est pas à même de répondre aux besoins spécifiques des athlètes, qui manquent de fauteuils roulants de bonne qualité.

Elle compte notamment sur le soutien du Comité international de la Croix-Rouge en RDC (CICR) dans le cadre de son programme de réadaptation. Cet appui dans le sport consiste à la fourniture des fauteuils roulants ou encore la construction d’infrastructures sportives.

Vecteur de l’inclusion sociale, le handibasket congolais à sauver d’urgence

L’amélioration des conditions de la pratique du basket sur fauteuil doit se faire dans une synergie entre les parents, l’organe faîtière qui est la fédération congolaise de basketball sur fauteuil et l’État congolais.

Les parents, les écoles, devraient veiller à ce que les enfants nés moins valides (handicapés de naissance) et ceux devenus handicapés, ne soient pas écartés dans la pratique de ce sport. Celà doit se faire dès le bas âge pour leur permettre de s’habituer avec l’environnement et de faciliter leur insertion sociale.

La fédération, quant à elle, doit améliorer son action dans cette discipline avec notamment l’encadrement continu des athlètes, en initiant des formations sur la psychologie et de civisme en dehors des entraînements afin d’élaguer de la tête des pratiquants ce complexe d’infériorité. Elle doit aussi initier un projet de création des clubs (toutes catégories et versions confondues), à travers le pays pour faciliter des bonnes sélections.

Au gouvernement congolais de considérer cette discipline au même titre que les autres. Cela passera par la révision à la hausse de sa subvention qui permettra d’assurer la prise en charge complète des athlètes sur tous les plans, mais aussi de leurs offrir des infrastructures sportives viables. Prônant une société congolaise inclusive et prospère, l’État congolais doit prendre réellement ses responsabilités, car l’Insertion sociale des personnes en situation de handicap passe aussi par les sports.

Nervy Kadiebue

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Commentaires

Lungela
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Un très bon article , merci beaucoup pour ça . J'ai commence à aimer ce sport grâce à toi

Junior
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C'est vraiment intéressant d'avoir suscité nos consciences dans cette discipline qui demeure invisible dans notre pays.

Divine Makaya
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Merci de m'avoir fait découvrir cette discipline que je ne connaissais pas l'existence en RDC. Cette discipline mérite quand même une médiatisation récurrente.

John Smith Mukwala
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Maintenant, place au gouvernement congolais de mettre en œuvre tous les moyens possibles pour la réalisation et pérennisation de ce sport handibasket.